10ème long métrage de celui qui est sans doute le plus grand réalisateur turc, Nuri Bilge Ceylan à qui on doit entre autre "Uzak" (2002), "Il était une Fois en Anatolie" (2011) ou "Winter Sleep" (2014). Le cinéaste a voulu aborder les répercussions psychologiques de l'isolement en traitant des dynamiques inhérentes vis à vis de la géographie, ethnie ou au niveau social : "Bien qu'une réconciliation soit souhaitée et demeure possible, les préjugés, les barrières dressées au fil du temps, les traumatismes subis et la tentation de faire payer ses fautes au premier venu isolent davantage ces âmes flétries par la vie. Chaque visage exprime une lassitude, chaque expression témoigne d'un regret. La fatigue se fait ressentir à chaque mouvement et chaque voix qui retentit se fait l'écho d'une douleur, comme autant de répercussions de "destin" qui frappe cette région." Nuri Bilge Ceylan est comme à son habitude Producteur-réalisateur-scénariste de son film dont le scénario a été co-écrit avec son épouse Ebru Ceylan qui co-signe la plupart de ses films. Le film a été très bien accueilli avec en prime un Prix d'interprétation féminine pour l'actrice principal au dernier Festival de Cannes 2023...
Samet jeune professeur d'art à Istanbul doit effectuer son service civil dans un village reculé d'Anatolie. Mais après quatre années dans une école locale, son collègue Kenan et lui sont confrontés à des accusations de harcèlement sexuel par deux élèves. Desespéré de ne pouvoir revenir à Istanbul, Samet rencontre alors Nuray une collègue enseignante... Samet est incarné par Deniz Celiloglu vu dans "Ada" (2015) de Mirjam Orthen, "Marlon" (2017) de Osman Moustafa ou "Arada" (2018) de Mu Tunc. Le collègue Kenan est interprété par Musab Ekici vu dans "Babamin Kanatlari" (2016) de Kivanç Sezer ou "Olmaz Böyle Sey" (2017) de Aydin Bulut. L'enseignante Nuray est jouée par Merve Dizdar vue auparavant dans "Körfez" (2017) de Emre Yeksan, "Le Secret des Lucioles" (2021) de Andaç Haznedaroglu et "Snow and the Bear" (2022) de Selcen Ergun. Citons ensuite Erdem Senocak vu dans le récent "Burning Days" (2023) de Emin Alper, Yüksel Aksu vu entre autre dans "Güle Güle" (2000) de Zeki Ökten et "Hicran Sokagi" (2007) de Safa Önal, Onur Berk Arslanoglu dans "Plaza" (2020) de Anil Gelberi et "Yenedin Leyla" (2020) de Baris Hanciogullari, puis enfin Yildirim Gücük remarqué dans "La Vallée des Loups - Irak" (2006) de Serdar Akar avant de continuer sa carrière essentiellement à la télévision... Le film débute avec la rencontre entre des profs en début d'année scolaire dans une région reculée et isolée à l'est de la Turquie. Une région sous la neige, loin de tout, où on n'est pas loin du docu-fiction au sein d'une école turque. Deux profs masculins qui vivent en coloc font connaissance avec une collègue féminine au passé douloureux et militant. Autant dire qu'avec une durée de 03h15 le film prend son temps, en profite pour instaurer deux intrigues distinctes et une multitudes de plans ou de scènes qui n'ont pas grand chose à voir avec le récit principal. D'abord une première partie où il ne se passe pas grande chose, les profs boivent du thé, discutent plutôt platement, font cours,... etc... Une partie redondante sans grand intérêt si ce n'est celui d'une immersion dans la société turque loin des clichés habituels.
Arrive la seconde partie et la révélation ou plutôt l'accusation qui prend rapidement l'eau puisque d'entrée on nous explique comme on l'explique aux deux profs que l'affaire ne tient pas la route et qu'on peut passer à autre chose !... ATTENTION SPOILERS !... en effet, les faits dénoncés (particulièrement légers faut bien l'avouer et pourtant on en fait des tonnes) auraient été effectués en classe donc devant des dizaines d'autres enfants. On devine que sans confirmation par les autres enfants pas de témoins solides et donc ça reste des allégations, inventions de deux gamines par vengeance puérile dont acte... FIN SPOILERS !... Ainsi comment comprendre le délire hystérique et paranoïaque des deux profs ?! Ok, tenter de comprendre est légitime mais de là à péter un plomb il y a une marge. Par contre, la suspicion, les doutes, les soupçons sont ensuite parfaitement décrit, les relations humaines biaisées enrichissent enfin le récit. Puis arrive une dernière partie, qui occulte bizarrement la première affaire comme si le cinéaste avait réuni deux histoires pour deux films en un seul. Une partie galvaudée sur le triangle amoureux qui offre surtout un passage d'environ 20mn qui réunit le meilleur et le pire... ATTENTION SPOILERS !... Un débat très bavard plus ou moins philosophique mais complètement stérile, puis un moment romantique et doux soudain parasité par un intermède hors du temps où un homme sort du film, part en coulisse du tournage, prend un cachet (de quoi ?!) et retourne faire l'amour à une femme handicapée ?!... FIN SPOILERS !... Un interlude bizarre dont on ne comprend pas franchement le pourquoi du comment, quel est le message ?! Une séquence qui aurait dû n'être que belle et tendre devient maladroite et laisse ouverte à des suppositions pas forcément agréables. Le film réunit tout ce qu'on aime chez le réalisateur (beauté de la photographie, paysages magnifiques, temps suspendu, justesse des dialogues, caractères de personnage plain d'acuité...) et tout ce qu'on n'aime pas (philosophie de comptoir, extrêmement bavard sans avoir rien à dire, nombreux plans inertes, gratuits et/ou sans liens tangibles...). En conclusion un film beaucoup trop long pour ce qu'il a à dire, trop bavard, qui crée donc des longueurs qui amènent parfois à l'ennui malgré la richesse autour des relations humaines et quelques plans de toute beauté.
Note :