Soleil Rouge (1971) de Terence Young

Réalisateur de films aussi divers que "Les Bérets Rouges" (1953), les premiers 007 dont "Opération Tonnerre" (1965) ou "Seule dans la Nuit" (1967) Terence Young signe ce western aussi exotique que singulier, fictionnel en grande partie mais qui s'inspire d'un fait réel et tout aussi original à l'époque, à savoir la première expédition en 1860 d'une ambassade japonaise aux Etats-Unis (Tout savoir ICI !). L'histoire est une idée de l'auteur Laird Koening, qui s'est essayé au scénario pour le film "The Cat" (1966) de Ellis Kadison et qui retrouvera Terence Young plus tard pour "Liés par le Sang" (1979) et "Inchon" (1981). Le scénario est co-écrit avec Denne Bart Petitclerc qui a écumé le far-west pour des séries TV cultes comme "Bonanza" (1961-1966) et "Les Mystères de l'Ouest" (1966), Lawrence Roman qui a écrit pour des films comme "La Rivière Sanglante" (1954) de Nathan Juran, "L'Etreinte Fatale" (1956) de Gerd Oswald ou "Meurtre sur la 10ème Avenue" (1957) de Arnold Laven, puis avec William Roberts spécialiste du western avec "La Vallée de la Poudre" (1958) de George Marshall ou "Les 7 Mercenaires" (1960) de John Sturges, mais aussi entre autre avec le film de guerre "Le Pont de Remagen" (1969) de John Guillermin. Précisons que le scénario a été aussitôt novélisé avec un livre éponyme sortit dans la foulée écrit par William Terry. En V.O. "Red Sun" faisant référence évidemment au soleil symbolisé sur le drapeau japonais, le film fût particulièrement un succès au Japon, pays où les deux stars Charles Bronson et Alain Delon étaient particulièrement adulés, au point où le film a effectué un record, plus de 35 semaines en tête du box-office au pays du Soleil Levant... 1871, un ambassadeur du Japon et ses deux gardes du corps, Kuroda et Namuro traversent l'Ouest américain à bord d'un train qui doit les mener à la rencontre du Président américain à qui ils doivent remettre un sabra samouraï d'une valeur inestimable. Le train transporte également un cargaison d'or, ce qui malheureusement attire les bandits. Le convoi est ainsi attaqué par le gang de Link et de son associé Gotch. Pour eux, la surprise est de taille quand il découvre les japonais dans un wagon personnel, une rencontre dramatique quand Gotch décide de s'emparer du fameux sabre. Le gang fuit, l'ambassadeur enjoint alors son samouraï Kuroda de retrouver coûte que coûte le sabre sous peine de déshonneur et donc de se faire harakiri en cas d'échec. Kuroda retrouve Link trahi par Gotch, les deux hommes vont bon an mal an faire équipe pour se venger et retrouver le sabre... 

Soleil Rouge (1971) de Terence Young

Link est incarné par Charles Bronson star depuis le succès et la reconnaissance enfin arrivés avec "Il Etait une fois dans l'Ouest" (1968) de Sergio Leone, et qui retrouve et retrouvera son réalisateur après "De la Part des Copains" (1970) et juste avant "Cosa Nostra" (1972), il retrouve également après "Adieu l'Ami" (1968) de Jean Herman son partenaire alias Gotch joué par la star française Alain Delon qui venait de tourner dans "Le Cercle Rouge" (1970) de Jean-Pierre Melville et "L'Assassinat de Trotsky" (1971) de Joseph Losey. L'atout charme est dévolue à la sculpturale Ursula Andress éternelle James Bond Girl retrouvant son réalisateur après "James Bond contre Docteur No" (1962), qui retrouvera d'ailleurs 007 dans le film hors franchise "Casino Royale" (1967). Le samouraï Kuroda est incarné par le plus grand acteur japonais de sa génération, Toshiro Mifune acteur fétiche de Akira Kurosawa dans pas moins de 16 films de "L'Ange Ivre" (1948) à "Barberousse" (1965), dont la première production américaine était "Duel dans le Pacifique" (1968) de John Boorman dans lequel il se nommait déjà Kuroda, il retrouvera Terence Young pour "Inchon" (1981), et retrouve après "Barberousse" (1965) et "L'Embuscade" (1970) de Hirsohi Inagaki son partenaire et second samouraï Hiroshi Tanaka, puis retrouve aussi après "L'Héritage des 500000" (1963) de lui-même et "Le Défi des Géants" (1963) de Senkichi Taniguchi l'acteur jouant l'ambassadeur, Satoshi Nakamura vu essentiellement chez Ishiro Honda dans "L'Homme H" (1958), "Mothra" (1961) ou "Les Envahisseurs de l'Espace" (1970). Citons ensuite Capucine vue dans "La Panthère Rose" (1963) de Blake Edwards ou "Satyricon" (1969) de Federico Fellini et retrouvant Ursula Andress après "Quoi de Neuf, Pussycat ?" (1965) de Clive Donner, Tony Dawson acteur fétiche de Terence Young vu dans la plupart de ses films entre 1955 et 1988, Jo Nieto vu entre autre dans "Le Roi des Rois" (1961) et "Les 55 Jours de Pékin" (1963) tous deux de Nicholas Ray et retrouvera Charles Bronson dans "Chino" (1973) de John Sturges, George W. Lycan vu notamment dans "Le Soleil des Voyous" (1966) de Jean Delannoy ou "La Dame dans l'Auto avec des Lunettes et un Fusil" (1970) de Anatole Litvak, Luke Merenda vu ensuite dans "L'Homme sans Mémoire" (1974) de Duccio Tessari ou "Colère Noire" (1975) de Fernando Di Leo, puis enfin Monica Randall vue entre autre dans le dyptique "Tonnerre sur l'Océan Indien" (1966) et "Surcouf, le Tigre des Sept Mers" (1966) tous deux de Sergio Bergonzelli et Roy Rowland... Le film débute avec deux atouts majeurs, essentiels même, son casting quatre étoiles au sommet de leur art, et cet exotisme nippon qui offre une singularité certaine à ce far-west fantasmé. Le casting s'amuse avec délectation de l'image qu'on peut avoir de ces acteurs, ainsi Link/Bronson est un gangster sans foi ni loi mais avec une désinvolture et un sens de l'honneur qui amène à l'empathie et à une certaine iconographie du héros de l'Ouest, Gotch/Delon est un tueur cynique, froid et impitoyable un peu à la façon (ironie du sort !) de son personnage dans "Le Samouraï" (1967) de Jean-Pierre Melville en version psychopathe, Christina/Andress en blonde prête à tout pour survivre, puis enfin et surtout Kuroda/Mifune en quintessence du samouraï droit, sans peur et sans reproche digne de tout honneur.

Soleil Rouge (1971) de Terence Young

Si le scénario en lui-même est assez classique avec une trame qui a fait ses preuves dans le genre (convoi d'or, braquage, fuite, traque, vengeance et rédemption...) il n'en demeure pas moins qu'il faut du style et des idées pour se démarquer. Le face à face façon frères ennemis entre Link et Gotch est solide et cohérent, la belle Christina offre le petite pointe d'érotisme suranné qui ne manque ni de sel ni de fantaisie, et Kuroda reste un samouraï qui est plein de ressource. Quatre personnages certe sans doute un peu trop stéréotypés mais qui fonctionnent à merveille ensemble avec un scénario assez judicieux pour qu'aucun ne vampirise l'autre, au contraire, la symbiose entre eux est la grande réussite du film. Les uns et les autres se répondent comme du papier à musique, via des dialogues qui font mouches sans chercher le bon mot pour autant, via l'action qui oscille constamment entre une violence bien présente et sans pitié et des séquences plus humoristiques qui fonctionnent merveilleusement bien surtout dans la complicité entre Link et Kuroda. Par exemple on s'amuse quand Kuroda veut prendre un bain, encore plus quand il se venge de la plaisanterie de Link. De l'autre côté on adora détesté Gotch, tandis que l'humour ou la légèreté apparente masque à peine un dénuement qu'on devine forcément tragique, comment pourrait-on penser que les quatre vont survivre ?! La fin est enfin la dernière bonne surprise, avec un grain de sable bien vu, et un dernier duel superbement mené et original où la mort peut survenir de partout à la fois. Pour l'anecdote, l'art du combat au sabre utilisé par le samouraï se nomme Kenjutsu (Tout savoir ICI !). Seul petit bémol, on peut s'étonner que le gouvernement ne réagit jamais où n'apparaît jamais de quelque façon que ce soit alors qu'un ambassadeur a été attaqué. Néanmoins, ce film est aussi fun que jouissif, avec des scènes drôles ou tragiques, de l'émotion tout en évitant l'écueil du happy end facile. Un superbe moment pour un film trop sous-estimé. A voir et à revoir.

Note :                 

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17/20