Nouveau film du réalisateur hong-kongais Lo Wei, qui venait de quitter la Shaw Brothers pour suivre le nabab Raymond Chow qui vient de créer la société de production Golden Harvest, qui lancera ensuite l'acteur Jackie Chan ou le réalisateur Tsui Hark. Réalisateur de films comme "Mr. Handsome" (1953), "Honeymoon Affair" (1958), "The Golden Arrow" (1963) ou "Crocodile River" (1968), mais c'est avec "Borthers Five" (1970) que Lo Wei lance et débute avec Golden Harvest. Il retrouve d'ailleurs quasi la même équipe pour ce nouveau projet qui est inspiré d'une histoire vraie, celle de Cheng Chao-An, chinois ayany vécu à la fin du 19ème siècle en Thaïlande et populaire auprès des siens après les avoir défendu contre les mauvais traitements. Mais reconstituer les faits historiques aurait coûter trop cher, d'où la décision de transposer l'histoire à une époque contemporaine. Au départ, c'est Ng Kar-Seung qui devait signer le film avec comme tête d'affiche James Tien, mais finalement c'est Lo Wei qui reprend les commandes ce qui a pour conséquence de placer James Tien en second rôle et de convaincre un certain Bruce Lee, sino-américain qui commençait à avoir une certaine notoriété et qui était réticent à tourner hors des Etats-Unis. Lo Wei co-écrit le scénario avec Ni Kuang (non crédité) célèbre pour avoir écrit pas moins de 300 romans et 400 scénarios ! Le film est un énorme succès, amassant plus de 50 millions de dollars au box-office Monde pour seulement 100000 dollars de budget. Bruce Lee devient une star mondiale, vite surnommé "Petit Dragon" et ouvre la voix au cinéma d'arts martiaux. Le film est pourtant interdit aux mineurs dans plusieurs pays, dont en France interdit au moins de 18 ans avant d'être ramené au moins de 12 ans...
Cheng Chao-An, jeune émigrant chinois arrive en Thaïlande pour se faire oublier au pays. Il rejoint ses compatriotes dans une fabrique de glace tenu par des thaïlandais. Les pratiques de l'entreprise restent discutables et des choses bizarres se passent mais Cheng doit tenir une promesse, celle de ne plus jamais se battre. Mais alors qu'une rébellion tourne mal Cheng s'impose malgré lui comme un leader. Il est finalement choisi comme contremaître, d'abord à la joie de sa communauté avant que cela ne se complique encore... Chang est donc incarné par Bruce Lee qui est apparu la première fois au cinéma en tant que bébé fille dans "Golden Gate Girl" aussi connu sous le titre "Les Larmes de San Franciso" (1941) de Esther Eng, citons des apparitions également dans "The Kid" (1960) de Feng Feng, "L'Orphelin" (1960) de Lee Sun-Fung ou "La Valse des Truands" (1969) de Paul Bogart, mais c'est surtout à la télévision qu'il gagne ses galons avec le rôle de Kato dans la série TV culte "Le Frelon Vert" (1966-1967). Citons ensuite dans les rôles principaux James Tien qui venait de jouer dans "Brothers Five" (1970), et surtout Han Ying-Chieh alias Big Boss, acteur fétiche du réalisateur King Hu avec notamment "L'Hirondelle d'Or" (1966), "Dragon Gate Inn" (1967) ou "A Touch of Zen" (1970) et aussi connu comme chorégraphe-cascadeur de la plupart de ses films, puis citons la petite vendeuse jouée par Nora Miao qui retrouvera Lo Wei dans "The Invisible Eight" (1971) qui deviendra une amie proche de Bruce Lee, les atouts charme interprétés par Maria Yi Chow Mei vue la même année dans "Zhui Ji" (1971) de Tian-Lin Wang puis Marilyn Bautista, citons encore Jun Katsumura acteur récurrent de la franchise "Zatoichi" (1963-1971), Feng Tien vu entre autre "Un Seul Bras les tua Tous" (1967) de Chang Cheh ou "L'Ombre du Fouet" (1971) de Lo Wei. Le reste du casting sont des "gueules" bien connus du genre et du cinéma de Hong-Kong des années 60-70, citons pêle-mêle Lee Kwan, Shan Chin, Ching-Ying Lam, Chen Chao, Tony Liu Hsiao Chiun... Le film débute avec un Cheng/Lee jeune et dont on devine un passé plus ou moins délinquant et qu'il faut remettre sur le droit chemin. La première chose qu'on remarque c'est que les thaïlandais sont chinois ce qui est dommageable pour la crédibilité du récit, sur le racisme sous-jacent. Il faut alors faire abstraction de ce paramètre pour y voir une simple question de caste sociale. En ce qui concerne notre héros, on savoure sa frustration quand il doit se retenir et regarder son cousin frimer en tant que justicier. Cette dimension n'est d'ailleurs pas anodine, Cheng se sait plus fort on décèle alors un certain narcissisme chez lui que Bruce Lee incarne parfaitement.
L'intrigue est plutôt bien écrite, démarrant comme une histoire de révolte sociale, puis se teinte de Film Noir avant de virer vers le film de vengeance. On peut se dire que la première partie s'inspire bel et bien du vrai Cheng Chao-An, la suite permet d'aller au film de genre. La question de la différence de caste, du racisme reste intéressant et bien traité même si ces sujets seront plus approfondis dans les prochains films de Bruce Lee, tandis que la position de la femme est aussi abordée en filigrane. Mais évidemment, le premier intérêt du film reste l'action et les arts martiaux. C'est l'acteur qui incarne le rôle titre, Han Ying-Chieh qui assure le poste de chorégraphe. Sur l'ensemble on note quelques différences de qualité entre les scènes, certains passages semblent moins aboutis (coups pas poussés à fond ou peu réalistes, manque de crédibilité dans certains gestes...) ce qui pause question surtout quand Bruce Lee semble avoir également chorégraphié certains combat sans être crédité. Sur les scènes d'actions, on note d'abord un gros défaut, les sauts presque "hors sol" qui sont surtout trop systématiques et tous quasi identiques et réalisés avec l'aide de trampolines en hors champs (certaines sources citent Han Ying-Chieh comme inventeur). Mais on savoure d'un autre côté la violence alors inédite des scènes de combats, meurtres gratuits, tortures, et même des victimes au statut tabou qui ont amené à la censure dans certains pays, sans compter un Bruce Lee tombeur de ces dames. En conclusion, un film qui a certe un peu mal vieilli niveau chorégraphie d'action, mais le thème central reste universel, et le charisme et le talent de Bruce Lee fait le reste. Culte, mais aussi succès qui va amener toute l'équipe à revenir avec "La Fureur de Vaincre" (1972) de Lo Wei...
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