Là, gros coup au moral juste avant les vacances avec la disparition du réalisateur William Friedkin ce jour du 07 août 2023 à l'âge de 87 ans.
Né en 1935 à Chicago, le jeune William dit "Billy" est le fils d'une maman infirmière et d'un père qui travaille dans la marine marchande, semi-pro en softball avant de travailler dans un magasin de vêtements. Sa famille sont des immigrants juifs ukrainiens qui ont fuit les pogroms de 1903. Sa famille est pauvre et le jeune "Billy" est séduit pas la délinquance mais comme il l'avoue lui-même il estime que c'est grâce à sa mère qu'il a évité de "mal tourner". À l'école il est plus remarqué pour ses talents de basketteur que pour son assiduité en cours.
Après avoir vu "Citizen Kane" (1940) de et avec Orson Welles, il se voit déjà réalisateur mais ses parents n'ont ni l'espoir ni les moyens de lui payer les études nécessaires. Il devient coursier pour la chaîne locale WGN-TV. Grâce à cette dimension "locale" il parvient à devenir réalisateur d'émissions en direct et de documentaires. À cette période, au vu des multiplications de chaînes locales, il change souvent d'employeurs mais ça lui permet de multiplier aussi les expériences et les sujets. Ainsi il réalise entre autre les documentaires "The People vs Paul Crump" (1962) ou "The Thin Blue Line" (1965) mais aussi quelques épisodes de séries TV comme pour "The Alfred Hitchcock Hour" (1965).
Il parvient à signer un premier long métrage avec "Good Times" (1967) une comédie musicale avec le duo de la chanson Sonny and Cher ce qui lui permet d'enchaîner avec "L'Anniversaire" (1968) avec Robert Shaw et Patrick Magee, "Strip-Tease chez Minsky" (1968 - ci-dessous) avec Jason Robards et Britt Ekland, puis "Les Garçons de la Bande" (1970) qui est un des premiers films à traiter de l'homosexualité.
Il réalise ensuite une adaptation du roman éponyme (1969) de Robin Moore lui-même tirée des expériences des flics Eddie Egan et Sonny Grosso ayant enquêté sur le phénomène de la "French Connection" (1972 - ci-dessous), Le film porté par le duo Gene Hackman et Roy Scheider est une succès surprise de grande ampleur, d'autant plus étonnant qu'il est le premier film classé R (interdiction au moins de 17 ans) aux Etats-Unis qui remportent pas moins de 5 Oscars, meilleur film, meilleur acteur, meilleur réalisateur, meilleur montage et meilleur scénario. Le succès du film ouvre les portes toutes grandes au réalisateur.
Juste après on lui propose un projet que quelques grands noms ont refusé comme Alfred Hitchcock ou Stanley Kubrick, soit l'adaptation du roman de William Peter Blatty qui assume le scénario, le réalisateur accepte ainsi un cachet de 500000 dollars + 10% des recettes pour réaliser "L'Exorciste" (1973 - ci-dessous) avec Linda Blair, Ellen Burstyn, Lee J. Cobb et Max Von Sydow et . Le film est censuré dans de nombreux pays, interdit notamment en France en salles au moins de 18 ans (moins de 12 ans depuis 1990), mais malgré tout, malgré les malaises de spectateurs lors de certaines séances entre autre, le film est un succès phénoménal engrangeant plus de 2,1 milliards de dollars au box-office Monde (402 millions mais en tenant compte de l'inflation) ce qui fait de lui le film d'horreur le plus rentables de l'Histoire du cinéma, dont 6,7 millions d'entrées France. Le réalisateur devient avec ces deux films l'un des réalisateurs les plus en vue de Hollywood avec Francis Ford Coppola qui signe à la même période "Le Parrain" (1972).
Après ces deux succès planétaires, le cinéastes a les coudées franches et est libre de concevoir le projet de ses rêves. Grand admirateur de Henri-Georges Clouzot il décide de signer le remake du chef d'oeuvre "Le Salaire de la Peur" (1953) avec qui il envisage un casting de stars dont Steve McQueen. Malheureusement la production est longue et fastidieuse, les stars se désengagent, les lieux et conditions naturelles font exploser le budget. Finalement le tournage qui s'avère très difficile se fait avec Roy Scheider et le français Bruno Cremer. Le film "Le Convoi de la Peur" (1977 - ci-dessous) sort la même semaine qu'un film de SF a priori anecdotique, "La Guerre des Etoiles" (1977) de George Lucas. Ce dernier bat tous les records, le film de Friedkin passe quasi inaperçu et devient un échec public important.
Il signe ensuite un film de braquage tiré d'une histoire vraie, "Têtes Vides cherchent Coffres Pleins" (1978) avec Peter Falk, Warren Oates et Gena Rowlands mais sans casser la baraque. Le cinéaste s'intéresse ensuite à un projet ambitieux qu'un certain Steven Spielberg vient de refuser, l'adaptation du roman "Cruising" (1970) de Gerald Walker qui s'est inspiré de faits réels sur des meurtres d'homosexuels à la fin des années 60. Le film "La Chasse" (1980 - ci-dessous) avec Al Pacino est logiquement (pour l'époque) censuré dans de nombreux pays, interdit au moins de 17 ans aux Etats-Unis, au moins de 18 ans en France (moins de 16 ans à partir de 1990) . Malgré tout, le film n'est pas un échec, le succès reste relatif mais reste bénéficiaire malgré les controverses et les avis presses plus que mitigés. La communauté homosexuelle se battra longuement contre ce film.
Ce dernier film finit de ternir la réputation d'un réalisateur qui était porté aux nues dix ans plus tôt. Il choisit alors un projet plus modeste avec le polar "Le Coup du Siècle" (1983) qui passe plutôt inaperçu, puis il enchaîne avec un polar âpre adapté du roman "To Live and Die in L.A." (1984) de Gerald Petievich qui co-signe le scénario avec Friedkin pour ce qui va devenir le film "Police Fédérale, Los Angeles" (1985 - ci-dessous) avec William Petersen et Willem Dafoe pour lequel le réalisateur renoue avec un style proche de son premier succès "French Connection" avec un flic halluciné et suicidiaire. Le succès est au rendez-vous, si le succès reste modéré il est largement bénéficiaire dans le monde engrangeant plus de 17 millions de dollars pour un budget de 6 millions. Et surtout, la postérité placera ce film comme un des meilleurs polars de années 80.
Il signe ensuite "Le Sang du Châtiment" (1987 - ci-dessous) qui connaît malheureusement une sortie cacophonique, d'abord à cause de la faillite de son distributeur, mais aussi parce que le nom de Friedkin est devenu moins prestigieux ces dernières années. Le film connaît surtout une postérité à double niveau, en effet le réalisateur semble avoir changé d'opinion sur la peine de mort durant les années 80, ainsi si le montage initial émet des réserve sur la peine de mort, le director's cut confirmé en 1992 est nettement plus en faveur de la peine capitale. Ce nouvel échec amène au film d'horreur "La Nurse" (1990) sans têt d'affiche et sans succès, sur le quel le cinéaste dira : "La Nurse n'est pas un bon film, je ne l'aime pas. Je l'ai tourné pour un ami producteur, je n'avais pas d'autre projet à l'époque, donc j'ai dit ou et j'ai échoué. C'est tout ce que je peux vous dire."
Il réalise ensuite un film de baseball, plutôt classique, "Blue Chips" (1994) avec Nick Nolte et entre autre le stars NBA Shaquille O'Neal et Larry Bird. Le film reste un échec. Il enchaîne avec un thriller "érotique", "Jade" (1995 - ci-dessous) avec David Caruso, Linda Fiorentino ou Chazz Plaminteri mais surtout écrit par le scénariste Joe Eszterhas auteur des films sulfureux "Basic Instinct" (1992) de Paul Verhoeven et "Sliver" (1993) de Phillip Noyce. Néanmoins, Friedkin a réécrit le scénario au point que le scénariste a renié le film, ce qui n'a pas empêché le film d'être un nouvel échec.
À partir des années 90 le cinéaste semble se diversifier, sans doute pousser par ses échecs sur grand écran. Il signe par exemple les téléfilms "Jailbreakers" (1994) et "Douze Hommes en Colère" (1997), tandis qu'il signe aussi le clip vidéo pour la chanson "Ce que je sais" (1998) de Johnny Hallyday.
Il revient au film judiciaire avec un procès qui fait écho à des faits réels plus ou moins tirés de "bavures" militaires en Irak avec "L'Enfer du Devoir" (2000) avec Tommy Lee Jones, Samuel L. Jackson ou Guy Pearce. Malgré l'actualité et le casting le film est un nouvel échec, suivi du film d'action "Traqué" (2003) de nouveau avec Tommy Lee Jones et avec Benicio Del Toro, un film qui entre tout juste dan ses frais, puis le film d'anticipation shizo-paranoïaque "Bug" (2006 - ci-dessous) avec Ashley Judd et Michael Shannon d'après un succès éponyme du théâtre (1996) de Tracy Letts qui assume lui-même le scénario. Ce dernier amasse le double de son budget mais au niveau mondial ça reste un échec, néanmoins le film reste de loin sa meilleure réussite depuis "Police Fédérale, Los Angeles" (1985).
Il revient avec une nouvelle adaptation personnelle de l'auteur Tracy Letts, "Killer Joe" (2012 - ci-dessous) avec Matthew McConaughey alors en pleine renaissance, Emile Hirsch, Juno Temple et Gina Gershon. Le film renoue avec la dimension sulfureuse de ses meilleurs films avec un classement attendu d'une interdiction au moins de 17 ans non accompagné aux Etats-Unis ou au moins de 12 ans en France. Un classement logique pour ce thriller qui rappelle à tous que Friedkin est un immense réalisateur avec ce film qui s'avère un des meilleurs films du cinéaste malgré une nouvelle déception au box-office Monde.
Il reçoit un Lion d'Or pour l'ensemble de sa carrière en 2013 à la Mostra de Venise.
Depuis on entendait plus parler du réalisateur jusqu'à son projet d'une adaptation du roman "Ouragan sur le Caine" (1951) de Herman Wouk Prix Pulitzer 1952 et déjà porté à l'écran pour un énorme succès mondial avec "Ouragan sur le Caine" (1957) de Edward Dmytryk. Le film s'intitule "The Caine Mutiny Court-Martial" (2023) et sera présenté à la Mostra de Venise 2023, à titre posthume malheureusement...
Le cinéaste rencontre la danseuse Jennifer Naim-Smith sur le tournage de "L'Exorciste" (1972). Elle rejoint le réalisateur sur le tournage de "Sorcerer" (1977) pour lui annoncer qu'elle est enceinte de lui et qu'elle désire être sa femme mais le cinéaste refuse l'un et l'autre. L'enfant qui naît fin 1976 (Cédric). Mais quand son scénariste Walon Green lui affirme que l'enfant est "son portrait craché" le réalisateur effectue un test génétique qui s'avère positif et reconnaît l'enfant. La même époque il rencontre la star française Jeanne Moreau qu'il épouse (1977-1979).
En 1980, en se rendant à son bureau de la Warner, il est victime d'une crise cardiaque alors qu'il était au volant. Il est alors sauvé in extremis.
Le cinéaste aura connu la gloire et la reconnaissance en seulement deux films, malheureusement malgré encore quelques bons films souvent marqués par les tabous d'une Amérique puritaine et hypocrite, le succès en salles ne sera plus au rendez-vous. Un désaveu immérité pour un des plus grands réalisateurs du Nouvel Hollywood.
William Friedkin est mort ce lundi 7 août 2023 à l'âge de 87 ans.