De quoi ça parle ?
De Salvatore Todaro (Pierfrancesco Favino), commandant d’un sous-marin italien, le “Cappellini”, envoyé en mission sur les côtes atlantiques en 1940, pendant la Seconde Guerre Mondiale.
On ne sait pas trop si l’homme est ou non un fervent partisan du fascisme mussolinien – même si, au final, ce biopic laisse entendre qu’il ne s’intéressait pas trop à la politique – mais c’est en tout cas un bon soldat, qui obéit aux ordres de ses supérieurs. Il a bien conscience que ces missions en eaux troubles, en pleine Bataille de l’Atlantique, sont des allers sans retour pour son équipage et lui. S’ils ne périssent pas durant ce périple, ce sera pour le suivant ou un autre, peu de temps après, mais en tant que soldat et marin, il doit accomplir son devoir.
Le film raconte une mission ayant eu lieu fin 1940. Le Cappellini doit rejoindre l’Océan Atlantique en passant par le détroit de Gibraltar, contrôlé par les britanniques et remonter vers les côtes françaises en longeant le Portugal, avec ce que cela suppose en péripéties guerrières.
Un jour, le commandant est confronté à un épineux cas de conscience. Après une escarmouche avec un navire belge, arborant un pavillon neutre mais transportant du matériel de guerre britannique, le Cappellini coule le bateau adverse duquel s’échappent deux canots de sauvetage remplis de survivants. Doit-il les abandonner à leur triste sort ou tenter de les sauver? En choisissant la seconde option, il prendrait le risque de désobéir aux ordres et de mettre en danger son équipage. Mais en choisissant la première, il irait contre ses convictions de marin et d’être humain.
Pourquoi on reste à la surface ?
Le début du film est assez brouillon. Si on ne connaît pas l’histoire vraie dont s’est inspiré Edoardo De Angelis, on ne voit pas bien vers quoi le récit se dirige. On comprend juste que Salvatore a été sévèrement blessé au niveau de la colonne vertébrale lors d’un exercice militaire ou d’une ancienne mission. Ceci aurait dû le contraindre à prendre sa retraite anticipée et toucher une pension d’ancien combattant, mais il n’a pas pu résister à l’envie de reprendre du service et il a progressé dans la hiérarchie jusqu’à prendre le commandement de ce sous-marin.
Le manque de clarté du récit vient aussi d’une narration qui semble adopter plusieurs voix. Celle de Salvatore, bien sûr, mais aussi celle de sa femme, Rina (Silvia D’Amico) et, un peu plus tard, de certains membres d’équipage. Petit à petit, on comprend l’idée du cinéaste : montrer que tous ces soldats embarqués dans une guerre dont les enjeux les dépassaient étaient des victimes, de jeunes gens simples, qui auraient préféré plonger pour pêcher des poissons ou des coquillages que pour aller désarmer des mines sous-marines. Cela aurait pu donner un film qui, à l’aide de petites saynètes et les destins de plusieurs personnages, fustige l’absurdité de la guerre et les horreurs qu’elle occasionne, un peu à la façon d’un Tardi vis-à-vis de la “Grande Guerre” dans sa bande-dessinée, “C’était la Guerre des tranchées”. Mais, curieusement, Edoardo De Angelis finit par abandonner ce dispositif choral intéressant pour se concentrer presque uniquement sur le personnage de Salvatore Todaro, certes incarné par le toujours excellent Pierfrancesco Favino, et de développer l’évènement marquant de la biographie du soldat italien : l’accrochage avec le Kabalo, un cargo belge, et la décision audacieuse d’aider les naufragés, au péril de la sécurité de l’équipage.
L’épisode en lui-même est assez intéressant. Il permet de mettre en exergue des valeurs humaines plutôt rares en temps de guerre, comme le respect de la vie humaine, la solidarité avec des personnes du camp opposé, l’échange interculturel (limité à un échange gnocchis italiens contre frites belges, certes, mais la gastronomie constitue bien un lien entre les peuples et les cultures). Cette partie du film se rapproche davantage de Joyeux Noël de Christian Carion, que d’un film de guerre “classique”.
Evidemment, il y a quand même quelques scènes de combat, où l’on ressent bien la tension des soldats à bord du sous-marin, et quelques moments plus dramatiques, mais il s’agit avant tout d’un film humaniste, qui développe un message plutôt anti-militariste.
Cependant, certains pourront être un peu gênés par une oeuvre qui ne pointe que timidement la responsabilité du régime fasciste mussolinien dans la férocité des combats de la Seconde Guerre Mondiale (Seul un personnage secondaire alerte des dérives du régime en tout début de film) et peut aussi donner l’impression, parfois, de chercher à redorer l’image des soldats italiens de la Seconde Guerre Mondiale, avec un regard assez naïf.
Evidemment, tous les belligérants, du côté des forces de l’Axe, n’étaient pas des brutes sanguinaires obsédées par l’épuration ethnique. Beaucoup ont été enrôlés contraints et forcés et ont combattu pour des idées qui n’étaient pas forcément les leurs. De la même façon, on trouvait probablement quelques types foncièrement brutaux et méchants du côté des Alliés, ayant juste eu la chance d’être du bon côté de l’Histoire pour éviter les accusations de crimes de guerre. Mais ici, tout est un peu trop lisse pour convaincre pleinement.
Enfin, il est dommage qu’Edoardo De Angelis n’exploite absolument pas le point de départ de son projet. Il avoue s’être passionné pour cet épisode de la Seconde Guerre Mondiale après avoir entendu cette histoire racontée par l’Amiral Pettorino, à l’occasion d’une célébration des gardes-côtes italiens, à un moment où l’Italie fermait ses ports aux embarcations remplies de migrants venus d’Afrique et du Moyen-Orient. Le militaire l’avait utilisé pour remémorer aux gardes-côtes l’importance du côté humain de leur métier et leur rappeler que certaines valeurs peuvent être supérieures aux lois et à des décisions politiques injustes. A une période où la politique italienne penche très fortement à droite et où le pouvoir a quelques accointances avec les mouvements fascistes, on pouvait espérer une oeuvre un peu plus engagée, établissant le parallèle entre le passé et le présent. Au spectateur de faire cet effort d’imagination….
Enfin, on peut reprocher au film son rythme un peu trop indolent et sa mise en scène trop conventionnelle, trop “gentille”.
Mais malgré ces quelques critiques, il faut reconnaître que le film s’avère assez plaisant à suivre. Comandante tire aussi bien parti de son décor – le sous-marin entièrement reconstitué, grandeur nature, par le chef décorateur Carmine Guarino – que du charisme de son interprète principal et des performances des acteurs secondaires (Johan Heldenbergh, Massimiliano Rossi, Arturo Muselli, Giuseppe Brunetti…). Si ce n’est pas du “grand Cinéma”, ce n’est pas non plus un navet infâme. Plus une pomme de terre (pour le côté Gnocchi/Frites) et peut-être pourra-t-il trouver son public d’un côté des Alpes ou l’autre.
Contrepoints critiques
“But if you’re prepared to ignore that boring little voice in your head that insists on whispering “is this film using a historical case study of one cuddly outlier to launder the wartime reputation of the Italian navy?”, there’s much to enjoy here.”
(Catherine Bray – The Guardian)
”Comandante célèbre la camaraderie maritime, passe sous silence les liaisons de l’Italie avec l’Allemagne de 1940 et se conclut sur un plaidoyer bien plan-plan de la fraternité.”
(Benjamin Locoge – Paris Match)
”Comandante, by Edoardo De Angelis, does the job of opening #Venezia80: a gently revisionist submarine movie starring Pierfranceso Favino as Sean Connery”
(Guillaume De Seille @GdSArizona sur X)