[Compétition Officielle]
De quoi ça parle ?
De la journée et de la nuit d’une jeune italienne des années 1950, Mimosa (Rebecca Antonacci), qui découvre l’envers du décor de l’industrie cinématographique italienne et de la mythique Cinecittà.
A la sortie de la projection d’un des derniers films issus des mythiques studios romains, la soeur de Mimosa, Iris (Sofia Panizzi) est abordée par un garçon qui cherche des figurantes pour le tournage d’un nouveau péplum, mettant en vedette Josephine Esperanto (Lily James) et Sean Lockwood (Joe Kerry), les stars du moment. Les deux jeunes filles ne sont pas dupes. Elles ont bien compris que le jeune homme les a approchées surtout pour pouvoir flirter avec Iris. Mais comme le job est bien payé et qu’il offre la possibilité de découvrir l’envers du décor, elles se rendent ensemble à l’audition. La jolie et pulpeuse Iris est retenue pour un rôle de figurante, contrairement à Mimosa, dont le physique ne correspond pas forcément aux canons de l’époque et qui est plus effacée et plus farouche que sa soeur. Pour autant, elle décide de se faufiler à l’intérieur pour veiller à ce que tout se passe bien pour Iris. C’est ainsi qu’elle est repérée par la star du film en personne et obtient finalement un rôle plus conséquent. Le rêve ne s’arrête pas là, puisque Josephine l’invite aussi à participer à une soirée avec l’équipe du film, dans les environs de Rome.
Mimosa, fascinée par cet univers plein de magie, accepte de les suivre. Mais elle ne peut s’empêcher de rester sur ses gardes, encore choquée par un fait divers survenu la veille, à quelques encâblures de là, et qui a fait la une des journaux : l’assassinat d’une jeune actrice, Wilma Montesi.
Pourquoi on aime ?
Saverio Costanzo est un très bon metteur en scène. Il a déjà eu l’occasion de prouver son talent pour la reconstitution historique et la chronique adolescente, puisqu’on lui doit plusieurs épisodes de la série L’Amie prodigieuse, et ses films précédents, La Solitude des nombres premiers et Hungry hearts ont démontré sa faculté à créer un vrai climat de tension, permettant de captiver les spectateurs.
On retrouve toutes ces qualités dans ce nouveau film, qui fait découvrir sous un angle peu glamour les coulisses de l’industrie du rêve italienne et fait lentement monter la tension autour de Mimosa, jeune fille innocente perdue dans un monde d’adultes pervers. La jeune fille est d’abord émerveillé, flattée d’être acceptée dans le cercle de ces personnes qu’elle admire tant. Elle a conscience que bien des filles de son âge se damneraient pour passer quelques minutes avec le beau Sean, dont elle n’a raté aucun des films, et mesure sa chance d’être la protégée de Josephine Esperanto, cette grande actrice à qui elle rêve de ressembler, impressionnée par sa maturité, son charisme et l’assurance qu’elle dégage.
Elle accepte de les suivre et de jouer leur petits jeux. Par exemple en se faisant passer pour Sandy, une poétesse suédoise, puisque c’est ainsi que Josephine s’est amusée à la présenter à tous les autres convives. Mais à mesure que la soirée avance, que l’alcool coule à flot et que se dévoilent les petites jalousies entre stars, Mimosa réalise peu à peu qu’elle n’a été invitée que pour une animation de la soirée, le jouet de ses hôtes. Pire, elle découvre que certains des convives, notamment un producteur un peu trop tactile, ont des intentions plus crapuleuses à son égard. Evidemment, avec l’affaire Montesi en tête, on ne peut que se demander si la jeune femme arrivera à voir la lumière du jour ou si elle finira elle aussi assassinée et abandonnée sur une plage. A moins qu’elle ne soit dévorée par un lion, puisqu’une rumeur tenace indique la présence d’un de ces félins dans les rues de Rome…
Le principal problème de Finalmente l’alba est d’être projeté peu de temps après le Babylon de Damian Chazelle. Celui-ci décrivait, du moins dans sa première moitié, les dérives des soirées orgiaques données par le monde du cinéma hollywoodien dans les années folles. Le film de Saverio Costanzo se passe trente ans plus tard, sur un autre continent, mais traite bien des mêmes choses, avec un peu moins de folie et d’extravagance. Il arrive donc un peu après la bataille et peut pâlir de la comparaison avec le film précité, plus ample et plus ambitieux. Cependant, il serait réducteur de se focaliser sur cette simple thématique. Au départ, le cinéaste souhaitait réaliser un film sur l’affaire Wilma Montesi, mais il a fait évoluer son récit vers quelque chose de différent. Bien sûr, l’intrigue met en lumière les dérives d’un système de production ayant permis à certains pervers d’abuser de la crédulité de nombreuses jeunes filles rêvant de cinéma, mais elle raconte aussi et surtout l’histoire d’une émancipation. Au début du film, la jeune Mimosa évolue dans l’ombre de sa soeur. Elle n’est pas la plus jolie, ni la plus plantureuse et sa timidité ne l’aide pas à s’imposer en société. La soirée lui permet de se révéler, de prendre conscience de ses forces alors que, face à elle, ces acteurs qu’elle admirait tant exposent toutes leurs faiblesses, leurs fêlures et redeviennent des personnes ordinaires.
La grande force de ce film, c’est le portrait de cette jeune femme qui se découvre, se révèle, même si cela doit être au prix de son innocence. Rebecca Antonacci se révèle aussi, dans ce rôle, avec une performance assez remarquable puisque quasi muette. Contrainte de sa faire passer pour une poétesse suédoise dont elle ne maîtrise évidemment pas la langue, elle reste coite pendant la majorité du récit. Pourtant, c’est bien par elle que nous voyons les choses, et c’est elle aussi, qui procure les plus belles émotions. La jeune actrice a ses chances pour le prix Marcello Mastroianni, remis traditionnellement à un ou une comédienne ayant livré une performance marquante dans l’un des films en compétition.
Grâce à elle et à la mise en scène élégante de Costanzo, Finalmente l’alba possède quelques arguments qui en font un beau film de cette 80ème Mostra, à défaut d’un grand film.
Contrepoints critiques
“a confusing and often nonsensical odyssey through one night that starts on a movie set and ends with a CGI lion walking along the streets of Rome to the sound of “Last Nite” by The Strokes.”
(Steph Green – Indiewire)
”Quel mito però Saverio Costanzo dopo averlo onorato lo fa a pezzi, lo disintegra quel mito, firmando un racconto al femminile eccezionale.”
(Giulio Zoppello – Esquire)
Crédits photos : Ph Eduardo Castaldo – images fournies par La Biennale